Un soir
Il faisait noir
Le mistigris de nos soucis
Tenait à peine dans nos mains
Alors qu'il fallait ascensionner cette passerelle de fer
Lentement
En provocant embouteillage derrière soi
Pour aboutir sur un palier
Pousser la porte vitrée
Et arriver dans un lieu surchauffé
Qui se trouvait être une cuisine salle de séjour
Emplie d'ustensiles accrochés aux murs
Avec une grande table couverte d'une toile plastique à petits carreaux rouges et blancs
Alors que vapeurs et odeurs de nourriture montaient de la cuisinière
Que régentait une femme au fichu sans âge
La maîtresse de maison et son tablier fermé par des cordelettes dans le dos
Et ça sentait bon les rognons et la choucroute
Alors qu'au fond de la pièce se trouvait l'atelier du monsieur
Au visage parcheminé de cire brune
Figure aux yeux de braise
Eclairant un local empli d'anciens vélos retapés
Avec leurs tubes de vives couleurs
Leurs sonnettes, dynamos et lampes
Leurs selles en vieux cuir
Leurs gardes-boue, leurs chromes
Et même des bavettes aux bouts des gardes-boue
Rivetées, caoutchoutées, virevoltantes comme papillons en printemps
Sans oublier les porte-bagages
Pour arriver devant un four à pain
Aux miches de pain toutes chaudes
Et des gâteaux
Que l'homme aux vélos transformé en boulanger pâtissier
Nous enseignait la fabrication
Comment il les avaient fait
Et comment il fallait les déguster
Tout ça avant d'aboutir dans la salle des textes
Dont pendaient du plafond jusqu'à terre des ficelles de chanvre
Reliant des morceaux de papier
Provenant d'une boule de gui
Haute perchée
Dont les fruits blancs claquaient
À la mesure de nos regards
Pour laisser se dérouler le roudoudou des mots
Phylactère rejoignant la terre battue
Mots de mise en phrases
Mots de mille manières rassemblés
Dans un flot de lumière et de sens
Formant vademecum
Nous indiquant la sortie
Vers ce qui nous attend
Nous les démunis
Prêts à recevoir
Bouche mobile
Front frondeur
Sourcils vibrants
Le poing serré
Ce qu'à coups de ciseaux
Délicatement l'Homme découpait
Formes géométriques
Lanières et confettis
À nous déchirer le cœur
D'une intelligence sensible au poison du mot
Du profane de la science au grand silence des outrances
Du ouï-dire du Vide aux lettres d'or.
1256