Ma fille, ma toute petite
Ma fille
ma toute petite
mon enfant éternelle
Carmine de retour
mon enfant des bleuets
que j'ai cueilli au ventre de sa mère.
Puis frère vint.
Et j'abandonnai le château
au désir d'un autre homme
ne gardant que les membres épars
dont je reconstituai le corps
Osiris déchu
quelques week-ends
affligé de ne pas avoir su
conserver la chaleur du foyer
entre mes mains inutiles
fines poussières
que le vent emporte
au long corridor des remords.
S'ouvrirent alors les portes de bronze
quelques traces sanglantes sur les murs froids
j'avançai
percevant
les lumières tremblantes de l'autre rive
par delà les hautes futaies
de ma forêt en déraison.
Le train entrait en zone libre
les freins crissaient
des jets de vapeur
brouillaient les fenêtres à tirant.
Un silence vint
des corbeaux coassaient
des voix hurlèrent.
La ligne de démarcation passée
je sus que rien ne serait comme avant.
Quelques intentions de guingois
ne purent répondre à tes demandes
de retour à la maison
écriture enfantine sur papier rose
loin des regards
le long d'une route de montagne
partageant mes nuits d'insomnie
étoiles et lune en provision
le chien collé aux basques
sans jamais me retourner
j'allai.
Le tricolore ruban franchi
course terminée
au labyrinthe des errances
il me fallut retrouver la terre mère
mix des atomes prêts au recyclage.
Je me lèverai
l'air sera frais
le coeur saignera
les pas se feront pressants
pour retrouver le compagnon émergeant
le rappel à l'ordre mémoriel
mon ami le double
me tendant la couronne de fleurs
ma fille en mandorle
ma toute petite
mon enfant éternelle
ma bleuette
que j'avais recueillie au ventre de sa mère
un jour de joie.
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