Les petits bonshommes d'Oléron
En bord de mer
scrutent le soleil couchant
les petits bonshommes d'Oléron .
Sans doigts sans voix
justes posés là
les galets roulés de l'océan .
Montent la garde
les guetteurs immobiles
de la parole perdue .
Ardente présence
compagnons des vagues
au flux et reflux des choses créées .
Se marient au plus bas du tertre
le croc des cailloux blancs
et la caresse moussue des eaux .
Là, le destin parade
d'âpreté et d'immobilité
telle une lampe secrète .
Une vive lumière terminale
rassemble les regards salamandre
de l'horizon accompli .
Lavés, ensevelis, roulés, posés
ils sont à main nue
lanterne des morts éclairante .
Au grand soir
en position de pouvoir
l'oeil referme ses paupières .
De larmes point
pile le suçon des embruns
pigmente le glaive de l'éternel .
Savamment orchestré
tombée verticale réalisée
le gong des nuits retentit .
Là-bas dans la joie et la douleur
les roseaux gris frissonnent
hélant quelque bienveillance .
Dans l'amoncellement
un orifice nous éloigne des pierrailles
le couinement de la mouette .
Flamme fait cendres
sans visages
les lampes vacillent .
Pour que tout recommence
gardiens astreints mais libres
de peser la gloire des étoiles .
Car il y aura un ciel
à l'inlassable patience
cribblé de fleurs des champs .
" Mes frères, mes soeurs,
ne nous perdons pas
en d'obscures chamailleries .
Nidifions dans le cairn
toute mémoire
pour que demaain
une fièvre essentielle nous saisisse
toute machurée d'algues
à la tombée du jour .
Mon âme
ma nuit
ma femme
dans cet été à franchir
entre les petits bonshommes d'Oléron
scrutant le soleil couchant
en bord de mer
laissons la dent du requin bleu
en son gouffre
plein de sonnailles
pour nous rassembler
au pays où nul de naît ou meurt ."
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