Pour me dire que l'enfant a bien grandi
Qu'il est éternel
Comme l'éternelle jeunesse du monde .
D'une autre contrée
Tu vins
Et je m'enquis de te retenir
Hors des chimères
Hors des moments où la force ne s'imprime plus .
Tu me pris par la main
Sans question
Sans certitude
Avec juste le besoin de vivre ton époque .
Tu n'avais pas besoin d'aide
Pour affirmer ton identité
Une dose d'absolu t'animait .
J'avais déjà accompagné tes hésitations
Ton hétérodoxie me semblait inextinguible
Sans domaine attribué
Tu pouvais mettre à mal les institutions .
Tu pouvais te moquer de ma sénilité
Des choses en place tu n'avais cure
Tu élargissais le fossé existant
Entre la société officielle
De l'homme bardé de médailles
De l'homme au secret des cachots de l'esprit
Elaborant au risque d'être blessé
L'avenant des fausses protections
Le passe-murailles du chaos stellaire .
Ce n'était pas la première fois
Qu'il y avait désccord
Tout était histoire de racines
De celles que conforte l'ordre établi
De celles qui passées au crible de la crise
Méritent de ressurgir .
Toi mon enfant-apprenti
Des tessons de l'esprit
Tu graves la symbolique de notre relation
Sur la terre du Croissant Fertile
Tu épelles à jeun
Le texte des nourritures à venir
Où se rencontrer .
Tu savais lire le chiffre ésotérique
Du quotidien révolu
Tu savais déchiffrer le cri des enfants
D'entre les sonnailles de la rhétorique sociétale .
Tu étais arrogant
Mais sans arrogance point d'accès au royaume .
Tu savais faire jaillir la gerbe d'étincelles
Sur la pierre des sacrifices
Et brandir l'épée de décision
Individuelle et collective .
Tes mots étaient simples
Ceints de cette capacité
A faire sortir la littérature de ses ornières
Pour épeler les données fondamentales .
Tu savais
Et pourtant
Humble
Tu nous invitais à la retenue
Sur cette terre d'entre les ruines
Où recueillir l'humus immémorial des cryptes dévastées .
Tu relevais ce qui était couché
Toi l'incarné
Soucieux de découvrir l'alphabet
Dans la palmeraie d'un oasis sans blessure .
Tu as été embarassé
Par le carcan des certitudes
Toi
Cette lumière de fin d'orage
Portant loin le propos de ton voyage
Marqueur initiatique
Imprimant au fronton des temples
la tolérance .
Mon avenir
Mon fils
Ma congruence
Mon enfant éternel
Tu vins
Et te tins
En rebellion
A me dire
La désinvolture
De cette époque laminée
Par de grandes douleurs .
Ma force
ma ruse
A même de rassembler
L'épars de nos haillons
Au coeur du discernement .
Tu renouvelles le secret des créateurs
Tes périgrinations sont l'injonction fracassante
D'être l'entiéreté de l'être .
Toi le pont
Toi la porte
Toi le passage
Toi la nécessité
Tu sus trouver la trace
Pour débarquer par effraction
Messager d'origine inouï
Et vivre entre ces parents improbables
Le reste de ton âge .
Remue
Sors de ta grotte
Et me viens tordre le bras
Sur l'enclume des mondanités .
Sois l'inflexible transgression .
Des vagabondages libertaires .
Sois en célérité
La comète émerveillée des nuits d'été .
Sois le bond hors de la tranchée
Atteint d'une flêche acérée
Ivre d'une stupeur sépulcrale .
Et si parfois tu fûs l'enfant-apprenti
Ce n'était que pour rire
Penché sur la margelle
Ardente épiphanie
Hors des eaux outrenoires de la fontaine .
Mon enfant des soirées passées à la bougie
Tu es manifestation de l'invisible au sein du visible
Occurence d'entre les apparences
Expression nourricières de l'ouverture .
Toi le fondateur des labyrinthes
Des courants d'air
L'horizontalité blanche de tes cris à fond de cale
Evoque et contamine
L'énigme flottante
De la vie de l'instant
Echappant aux flashes nucléaires de la désorganisation .
Tu n'as plus de limites
Tu es sans prix
Délié
Immaturément replié en ton havre de souffrances
Echancrure rougeoyante dans le rationnalisme étriqué .
Tu es raison et émotion
En lettres brûlantes
Inscrites sur la porte des granges
Entre la chauve-souris et la patte de lapin
Ton coeur enjambe les codiciles .
Tu es le ventre saillant
De ces rituels
Décors
Agapes
Où fondre l'airain de notre fulgurance .
Tu t'es mis en chemin
Toi en apparté
Cliquetant de ton corps défait
Toi qui est parti
D'ailleurs
Un peu
A qui perd gagne
Tu es l'enjeu des possédés de la tradition
Cherchant le germe originel
Tu es hors tout .
Tu es mort et renaissance
Spiralement destiné
Au contournement de l'épreuve
Offrande sur l'autel des destinées .
Je ferais bon usage de tes crises
Je saurais m'abreuver aux sources murmurantes
Comme aux premiers jours
En mon errance camarade
Indéfectible thuriféraire de notre quête
Ma conque marine et mon point d'orgue .
Mon frère
Mon dieu
Ma disparition
Ma blessure éternelle
Ma mangue fraîche
Sous le figuier de notre attente
Je commencerai et recommencerai
D'amour et de douleur
A fourbir
L'élan de fraternité joyeuse
De toute existence
Ô mes compagnons .
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